Jamais l'écologie n'a été autant au centre d'une campagne présidentielle qu'en 2007. Jamais autant de citoyens et de responsables politiques ne se sont intéressés à la préservation de l'environnement. A cette époque, les différents journaux et hebdomadaires hexagonaux publiaient fréquemment à leur une ou en pages intérieures des dossiers ou des reportages sur les conséquences néfastes de notre développement démesuré. C'est en achetant l'un deux, en l'occurence une édition du Nouvel Obs, que j'ai acquis (pour quelques euros de plus que le prix du magazine) le DVD d'un film que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam.
Il aura fallu près de cinq ans pour que je me décide à le regarder. Et, je n'ai pas été déçu.
Réalisé aux Etats-Unis en 1972 par Richard Fleischer et sorti en 1973, le film Soleil Vert tente d'anticiper ce qui pourrait être l'avenir de l'humanité si elle ne prend garde à préserver son environnement et les ressources naturelles que la Terre renferme.
L'entrée en matière est peu convaincante. Le décor "futuriste" du film est typique de la façon dont les Américains des années 70 se représentaient le mobilier et la technique du futur. Il y a tant de films d'anticipation et de science fiction qui ont été tournés à cette époque qu'un paradoxe apparaît : le décor de la maison et de la ville du futur sont souvent les mêmes, ce qui, au lieu de nous faire imaginer le futur, nous fait penser aux années 70. Un malaise naît donc...qui est renforcé par le fait qu'aucune des nouveautés technologiques - l'internet, la portabilité, l'intelligence informatique par exemple - qui ont révolutionné nos modes de vie n'est présente dans le film. Vu de 2011, il est certain que 2022 ne ressemblera pas à ce qui est présenté dans ce film. Mais, très vite, ce malaise se dissipe. Très vite, on passe outre ce décor dépassé et peu crédible pour pénétrer un univers puissant. L'action se déroule en l'an 2022 dans un New-York surpeuplé, où règne en permanence la canicule. Les ressources naturelles n'existent presque plus tout comme la nourriture telle que nous la connaissons aujourd'hui. Tout est synthétique, sans goût - du Tricatel ! Les arbres ont presque tous disparus. Le fossé entre riches et pauvres est plus grand que jamais. Le chômage règne, l'emploi est rare. La police anti-émeute joue un rôle central pour contenir cette "masse" de pauvres sous-alimentés dans leurs quartiers (ou plutôt dans leurs hangars, dans les escaliers et sur les paliers) tandis qu'une minorité de puissants s'accapare les derniers restes de l'ancien monde pour mieux assoir son pouvoir et consolider sa richesse.
Un jeune inspecteur de police (qui est né au début des années 80, presque comme moi...), Thorn (joué par Charlton Heston), résigné à vivre dans ce triste monde, habite avec le vieux Sol Roth, nostalgique d'un monde dans lequel existaient encore la nature, la viande, les légumes, ... le whisky. Thorn enquête sur le meurtre d'un cadre de la firme Soylent, un immense groupe agro-alimentaire qui nourrit les humains en petits carrés de céréales de toutes les couleurs : le Soleil jaune, le Soleil vert, etc... L'enquête avance difficilement tellement la firme Soylent est puissante et possède de relais auprès de l'administration. Cela n'arrête pourtant pas Thorn et son ami, qui vont faire une terrible découverte. Alors, autant le dire tout de suite, ce qui va suivre va briser l'intrigue du film. Ne lisez pas ces phrases si vous comptez voir ce film dans les prochains jours ! Pour les besoins de l'enquête, Sol se rend à l'Echange, un cercle de sages qui détiennent une vérité sans pouvoir la prouver. Sol n'arrive pas à croire à cette vérité. Dépité par ce monde, il décide de se rendre au Foyer, un lieu où l'on vient mettre fin à ces jours. C'est alors que Thorn vient le rejoindre pour l'empêcher de se faire euthanasier. Cette scène est d'ailleurs la plus réussie du film (voir la vidéo ci-après). Thorn, stupéfait, découvre le monde tel qu'il était avant (et tel que nous nous le connaissons) via des vidéos et des images de la faune et la flore projetées sur les murs de la pièce où s'apprête à mourir Sol. Juste avant de décéder, Sol lui demande d'enquêter sur le devenir des cadavres du Foyer. Thorn suit les camions chargés de cadavres qui quittent le Foyer. Ils les transportent vers une bien étrange usine. Un incinérateur ? Non. Il s'agit d'une usine qui produit du Soleil vert. La matière première utilisée pour produire le Soleil vert n'est donc pas le plancton comme le certifie Soylent mais des cadavres humains. Terrible.
Sommes-nous condamnés à survivre dans un monde caniculaire où aurait presque disparu tout espace naturel et toute vie végétale et animale ? En arriverons-nous un jour à une société dominée par une firme agro-alimentaire jouissant d'une position de monopole et qui, cynique, organisera avec efficacité le cannibalisme ? L'homme, par un moyen ou un autre, va-t-il s'autodétruire - au sens propre comme au figuré ? Je n'en sais rien. Le XXème siècle a montré que l'inimaginable pouvait se produire. Nous ne sommes donc pas à l'abri d'être les victimes - ou les protagonistes - d'autres monstruosités.
Même s'il est évidemment possible d'agir dès aujourd'hui pour éviter que cela ne se produise, on ne peut s'empêcher de penser - au regard de la connaissance de l'homme que l'on acquiert tout au long de la vie - qu'il n'est pas improbable que l'hypothèse présentée ne se vérifie d'ici le passage au XXIIème siècle. Voire avant. D'où l'envie de ne plus penser à l'avenir et de se réfugier dans l'ici et maintenant en lisant un bon livre...